Trois garçons forment depuis leur petite enfance une singulière fratrie.
Le jour de ses cinquante ans, paul lâche sur un ton badin: "est-ce que tu as eu des rapports avec jean-lou?" - et la chose cachée depuis la fondation de leur monde apparaît. jean-lou, c'est le beau-père, ex-soixante-huitard devenu mandarin d'une société qui lui assure l'impunité; il jouit de sa puissance, toujours sans entrave, sinon celle de l'âge et de la maladie. le cancer de sa femme est dressé comme une dernière injonction aux "libres enfants" de leur montrer respect, admiration, reconnaissance, et amour.
En vain.
Qui est cette femme retrouvée en morceaux au bord du fleuve ? Qui est l'auteur de cet indicible crime ? Atyka, jeune professeur de français, nouvelle conteuse de cette histoire, ne sait pas qu'en la racontant à ses élèves, elle signe son arrêt de mort.
Assia Djebar, à la manière d'une oeuvre symphonique, révèle dans cet ouvrage essentiel la violence qui déchire son pays natal depuis de longues décennies.
Les trois courtes nouvelles et les quatre longs récits qui composent l'ouvrage, écrits dans une langue sincère où l'esthétique et la réalité n'ont aucune complaisance l'une envers l'autre, traduisent avec force le désir de mettre à nu le quotidien tragique de l'Algérie. Plusieurs thèmes sont tressés qui composent les motifs de l'ouvrage : le poids de la conscience que révèle l'implication de l'écrivain dans ses récits ; le thème des origines car on découvre ici dans leur intimité des groupes sociaux, des familles, leur héritage, le bouleversement de leurs coutumes et habitudes, l'usage de leur langue et jusqu'à la manière dont elle est parlée ; le thème de la mémoire avec la présence incessante de la tradition malmenée par les événements ; le thème de l'imaginaire berbère, etc. Plus qu'un simple témoignage, Assia Djebar porte la parole de ses soeurs alarmées par la peur et l'effroi du danger constant. Cette oeuvre bouleverse par son authenticité, sa sensibilité et pour vous convaincre de la température dramatique du livre, lisez donc la brève histoire de "La femme en morceaux"...