"Un romancier est un médecin qui ne s'occupe que des incurables." - S.T. GARP.
Et depuis quarante ans, "nous sommes tous des incurables" lecteurs de Garp.
Ni récit ni texte suivi, ce livre se compose d'une succession de dialogues entre Philip, romancier américain fixé pour un temps à Londres, et diverses femmes : sa maîtresse, son épouse et d'autres personnages féminins moins réels, parfois même rêvés. Toutes parlent par la voix de l'auteur, Philip, l'alter ego de Philip Roth. Aucun fil conducteur ne relie ces conversations souvent lapidaires, sinon l'écho lancinant des obsessions habituelles de Roth - le sexe, l'adultère, la fidélité, l'antisémitisme et la littérature -, le vrai sujet étant l'exploration des recoins obscurs des vies et des âmes, des confins flous entre le réel et l'imaginaire. Une investigation empreinte d'un mélange d'humour et de gravité qui demeure dans la veine de L'écrivain des ombres et La contrevie. Tromperie est un authentique roman d'amour, pétillant de verve et d'esprit, débordant d'émotion et d'érotisme, qui confirme l'inlassable inventivité de l'auteur.
Rarement une voix avait su captiver l'imagination des lecteurs et des critiques comme celle de John Irving, dans Le Monde selon Garp, son premier roman traduit en français. Une fois encore, avec son nouveau livre, L'Hôtel New Hampshire, chacun se laisse envelopper et séduire par un univers tout aussi étrange et désarmant : celui de l'excentrique famille Berry.Car, comme l'explique John - narrateur et troisième rejeton de cette famille qui comprenait cinq enfants, un ours et un chien nommé Sorrow : "Notre histoire favorite concernait l'idylle entre mon père et ma mère : comment notre père avait fait l'acquisition de l'ours ; comment notre père et notre mère s'étaient retrouvés amoureux et, coup sur coup, avaient engendré Frank, Franny et moi-même ("Pan, Pan, Pan !" disait Franny) - puis, après un bref intermède, Lily et Egg ("Paff et Pschitt !" disait Franny).C'est ainsi que la voix de John Berry, tour à tour nostalgique et passionnée, nous relate son enfance et celle de ses frères et soeurs dans trois hôtels et sur deux continents différents. "La première des illusions de mon père était que les ours peuvent survivre à la vie que mènent les humains, et la seconde que les humains peuvent survivre à la vie que l'on mène dans les hôtels."Ce qu'il advint des rêves de Win Berry et comment ces rêves influèrent sur la destinée de ses enfants, tel est le sujet de ce roman grave et hilarant dû à "l'humoriste américain le plus important de ces dix dernières années", selon les termes de Kurt Vonnegut.
Apprenant le succès de son second roman, David Bourne, jeune écrivain américain qui passe sa lune de miel sur la côte méditerranéenne, est impatient de se remettre à écrire. Jalouse de son travail, sa femme, Catherine, lui fait rencontrer une inconnue, Marita, et s'emploie à créer une étrange relation érotique qui les enferme dans le triangle d'un invivable huis clos.Jusqu'à quelle extrêmité peut aller l'amour de l'autre, le désir de le connaître et de s'assimiler à lui ? L'art a-t-il tout à perdre ou tout à gagner de cette passion excessive ?
« Plus tard je devais penser à l'Amérique comme à une immense Cité de la Nuit étalant sa kermesse criarde de Times Square à Hollywood Boulevard - appel de juke-boxes, gémissements du rock-n-roll : l'Amérique nocturne dont les villes-noires se fondent dans la forme inévitable de la solitude.
Souvenir de Pershing Square et de ses palmiers apathiques. Central Park et ses ombres frénétiques. Cinémas aux heures moroses du matin. Rues éventrées de Chicago... ».
Premier roman de John Rechy, en grande partie autobiographique, Cité de la Nuit est devenu un best-seller international en dévoilant la face interdite d'une jeunesse américaine en détresse au tournant des années soixante.
Toujours présent en filigrane dans ses oeuvres, William Styron l'est ici au premier degré. Un matin de Virginie se compose de trois longues histoires reliées par la chaîne de la mémoire. Paul à vingt ans dans les Marines, Paul à dix et treize ans dans le village de son enfance ne sont autres que l'auteur, dont l'omniprésence donne à chaque étape de la chronique l'authenticité d'une tranche de vie. Par la tendresse et la révolte, l'angoisse et le doute qui les marquent, ces réminiscences et ces confidences font écho aux sombres méditations qui émaillent les oeuvres antérieures. Une fois encore, Styron affirme sa stature de moraliste et d'idéaliste, et proclame sa fidélité aux causes qu'il n'a cessé de défendre : le respect de la dignité humaine, le refus de la violence et du racisme. Vibrante de ferveur et d'émotion, à la fois familière et soutenue, la prose s'allie à l'architecture de l'oeuvre pour en souligner la dimension intimiste et l'originalité.
«Onze heures du matin. Le soleil au travail dans le ciel. Les hommes se fatiguent, dit Julie. Peut-être devriez-vous leur accorder une pause. Thomas donna le signal de la pause en agitant le bras de haut en bas. Les hommes se laissèrent choir sur le bas-côté de la route. Le câble se détendit sur la chaussée. Cette grandiose expédition, dit le Père Mort, cette valse sur un parquet inconnu, cette petite troupe de frères. Vous n'êtes pas un frère, lui rappela Julie. Attention de ne pas vous laisser emporter par la valse. Penser qu'ils m'aiment tant, dit le Père Mort, m'aiment au point de haler, haler, haler, haler sans trêve, tout au long des longues journées et des longues nuits et par des conditions météorologiques bien loin d'être optimales.» D'un bout à l'autre du livre, on assiste au transport du cadavre du père, un père gigantesque, mort qui plus est, mais qui parle encore et vit par morceaux, donnant des ordres à son entourage furieux...
Le Père Mort constitue la tentative la plus élaborée de Barthelme pour mêler des genres littéraires réputés incompatibles : le conte rejoint l'épopée, la psychanalyse se lit comme une «féerie» de l'écriture... La littérature est bien l'art du «transport».